Peur sur la ville
Je tombe sur, je pense qu’il va falloir lui trouver un nom parce que quelque chose me dit qu’elle va devenir un acteur central de mes 12 prochains mois. Bon, je ne vois pas, ça viendra. Donc machine répond, je me présente, explique rapidement qui je suis, en fait une vulgaire stagiaire qui se demande encore si elle a fait le bon choix. Voilà que machine s’avère être la personne ad hoc pour me rassurer, me rasséréner : " ma pauvre dame, mais, on ne vous a encore rien envoyé autrement vous auriez eu peur ". D’abord, tu apprendras que c’est l’inconnu qui fait peur et pas le trop plein d’informations. Et toi, quelque chose me dit que l’on ne va pas être copine, je ne te demande pas d’être premier prix en psychologie mais quand même il y a des manières de parler aux gens.
J’espère donc un minimum d’explications : " et bien, les cours ont commencé le 19 septembre pour les étudiants qui préparent le concours en externe, mais comme vous êtes dans les mêmes cours, et bien vous prendrez le train en marche ". Super, donc, je vais arriver dans un truc, avec 10 ans de vie professionnelle derrière moi, autrement dit 10 ans de lobotomie, pour côtoyer de jeunes et fringants étudiants qui eux seront déjà dans le bain depuis deux mois. Génial, j’exulte.
Mon calvaire n’était pas fini, machine en rajoute " et en plus, vous commencez le 2 novembre (je pensais commencer le 5) avec un galop d’essai, un concours blanc pour les intimes ". Un valium et un whisky bien sec : que je meure vite et bien. Restons calme, je demande alors l’emploi du temps " du lundi au vendredi, de 8h30 à 19h et encore, peut être le samedi matin, aussi ". NON, ce n’est pas possible, mais comment je vais faire moi, les enfants, les courses, le ménage, la couture… En grattant un peu, en fait elle comptait toutes les options, japonais et danois compris, donc certainement que le planning sera mois lourd, car je pose une question, "je bosse quand avec un emploi du temps pareil ? La nuit ?"
A la suite de quoi, machine est partie dans un délire qui me fait dire que la dame n’est pas tout à fait dans son assiette, j’ai eu droit aux séances d’orthodontie de son fils, à la machine à café qu’elle avait à disposition des étudiants dans son bureau (oui, sauf qu’elle ne sait pas encore que je suis a sociale, moi) et au train qu’elle ne rate jamais. Il ne me tardait qu’une chose, raccrocher et chialler.
Je suis rentrée à la maison, mortifiée. Charlemagne l’était lui-même mais à cause de ma réaction. D’ailleurs, j’admire cet homme qui n’a pas encore demandé le divorce, à sa place il y a belle lurette que je m’aurais internée ou plaquée. Il m’a dit un truc de fou " c’est certainement l’année où tu travailleras le plus de toute ta vie, on le savait, je suis là pour le reste ". Mais pourquoi il est si gentil, c’est suspect non ? Et là, j’ai répondu que de toutes manières, 1) je l’aurais pas 2) si je l’ai je démissionne. J’ai cru qu'il allait me planter là sans autre forme de procès. Il m’a alors balancé un définitif : "t’as 15 ans et tu es en pleine crise d’adolescence". Le pire est qu’il a raison.